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Droit d’auteur – Quid à l’aube 2023 ?

La Chambre a adopté la Loi-programme du 26 décembre 2022 visant notamment à modifier le régime fiscal des droits d’auteur.

Ce nouveau régime est entrée en vigueur le 1er janvier 2023 et est, par conséquent, applicable aux revenus payés ou attribués à partir du 1er janvier 2023.

Ledit régime permettant aux auteurs de bénéficier d’une fiscalité avantageuse était dans le collimateur du Ministre des Finances depuis de nombreux mois, et ce uniquement pour une question budgétaire.

Cette question budgétaire est dissimulée derrière la volonté du Gouvernement de revenir aux objectifs initiaux de loi instaurant ce régime en 2008.

Quels sont les impacts de ces nouvelles dispositions instaurées par ladite Loi-programme ?

1. LIMITATIONS QUANT AUX REVENUS ?

Cette loi vise à modifier, tout d’abord, l’article 17, § 1er, 5°, lequel dispose désormais que :

« Les revenus des capitaux et biens mobiliers sont tous les produits d’avoirs mobiliers engagés à quelque titre que ce soit, à savoir :

[…]

5° Les revenus :

Qui résultent de la cession ou de l’octroi d’une licence par le titulaire originaire, ses héritiers ou légataires, de droits d’auteurs et de droits voisins, ainsi que des licences légales et obligatoires organisées par la loi, visés au livre XI, titre 5, du Code de droit économique ou par des dispositions analogues de droit étranger ;

Qui se rapportent à des œuvres littéraires ou artistiques originales visées à l’article XI.165 du Code de droit économique ou à des prestations d’artistes-interprètes ou exécutants visées à l’article XI.205 du même Code ; »

Force est de constater d’emblée que le régime fiscal relatif aux droits d’auteur est d’emblée plus complexe et restrictif.

Il ressort de la nouvelle disposition que les revenus des droits d’auteur visés sont uniquement ceux relatifs au livre XI, Titre 5 du Droit d’auteur.

2. QUID DU SECTEUR IT ?

L’article 294 du Titre 6 du Livre XI du Code de droit économique dispose expressément que :

« Les programmes d’ordinateur, en ce compris le matériel de conception préparatoire, sont protégés par le droit d’auteur et assimilés aux œuvres littéraires au sens de la Convention de Berne ».

Cette disposition a reconnu expressément que les programmes informatiques devaient être considérées comme des œuvres protégées par le droit d’auteur.

Le nouvel article 17, § 1er, 5° ne fait référence qu’au Titre 5 du Livre XI du CDE de sorte que les revenus liés à la cession de ces droits d’auteur ne seraient pas visés par ledit article.

Les revenus provenant de la cession ou de l’octroi de licence de programmes informatiques seraient donc exclus de ce nouveau régime fiscal des droits d’auteur, alors même qu’il avait été précisé dans la presse un accord de gouvernement différent.

A cet égard, le Ministre des Finances a confirmé que « l’assimilation prévue à l’article XI.294 n’est ainsi pas prise en compte »dans le cadre du nouveau régime fiscal.

Si une doute devait persister, le Ministre des Finances a stipulé, en outre, qu’étant donné que le nouvel article 17 renvoie aux articles XI.165 et XI.205 du CDE, seuls ces derniers devraient être pris en compte en matière fiscale.

Cela signifie, selon le Ministre, que les « œuvres littéraires ou artistiques » assimilés par la loi, tels que l’assimilation contenue à l’article XI.294, ne devraient pas être prise en compte.

Il ressort clairement de la volonté du Ministre des Finances d’exclure les revenus provenant de la cession des droits d’auteur relatifs aux programmes informatiques, contrairement à ce qui avait été annoncé dans la presse.

3. LIMITATIONS QUANT AUX BENEFICIAIRES ?

L’article 17, § 1er, 5° est complété des alinéas suivants :

« En vue de l’exploitation ou de l’utilisation effective, sauf en cas d’évènement indépendant de la volonté des parties contractantes, de ces droits, conformément aux usages honnêtes de la profession, par le cessionnaire, le détenteur de la licence ou un tiers. 

A condition que le titulaire originaire des droits précité détienne une attestation du travail des arts visée à l’article 6 de la loi du … 2022 portant création de la Commission du travail des arts et améliorant la protection sociale des travailleurs des arts, ou dans des dispositions analogues ou ayant des effets équivalents prises par un autre État membre de l’Espace économique européen ; ou

 A défaut, que dans le cadre de la cession ou de l’octroi d’une licence conformément aux trois premiers tirets, le titulaire des droits cède ou octroie en licence ces droits à un tiers aux fins de communication au public, d’exécution ou de représentation publique, ou de reproduction ;

 Ainsi que les revenus susvisés qui sont recueillis par le titulaire des droits susvisé par l’intermédiaire d’un organisme de gestion visé à l’article I.16, § 1er, 4° à 6°, du Code de droit économique »

La nouvelle disposition impose une autre nouvelle condition, à savoir une cession « en vue de l’exploitation ou de l’utilisation effective […] » de l’œuvre par le tiers.

A cet égard, le Ministre des Finances précise que « l’intention d’exploiter effectivement les œuvres produites » pourra, en principe, être présumée et que cette intention ait été présente au commencement.

Il ne serait donc pas nécessaire pour le contribuable de procéder à une vérification de l’exploitation ou de l’utilisation de son œuvre cédée pour autant que cette intention peut être présumée conformément aux dispositions contractuelles entre les Parties.

Comme il ressort desdites dispositions, le nouveau régime fiscal des droits d’auteur ne tend à s’appliquer, par ailleurs, qu’aux contribuables (i) détenant une attestation du travail des arts ou (ii) transférant ou donnant une licence à un tiers aux fins de communication au public, d’exécution ou de représentation publique, ou de reproduction.

A cet égard, l’exposé des motifs stipule que la communication au public, l’exécution ou la représentation publique peuvent prendre des formes diverses sur différents supports et dont les modes de transmissions peuvent être variés.

Afin de définir la notion de « communication au public », le Ministre des Finance entendra se référer à l’arrêt du 31 mai 2016 de la Cour de Justice de l’Union européenne (Reha Training, C-117/15) lequel a relevé que :

La notion de « public » vise un nombre indéterminé de destinataires potentiels et assez important ;

A propos du caractère « indéterminé » du public, cela vise des « personnes en général », par opposition à un groupe déterminé ;

Dans l’hypothèse où une œuvre ne serait diffusée que dans un cercle restreint, la condition de communication au public ne serait pas remplie.

Le Ministre des Finances ajoute également que cette intention de diffusion, de communication au public doit être présente dès le départ.

A défaut, dans l’hypothèse où l’œuvre serait rendue publique ultérieurement, la situation ne changerait pas de sorte que la condition ne serait pas remplie.

Quid des architectes ?

Le Ministre des Finance ne prévoit pas expressément d’exclusion pour ce secteur.

En répondant aux questions posées en Commission en prenant pour exemple ce secteur, il affirme toutefois que la diffusion de plans ou maquettes n’est destinée qu’à un public restreint.

Même s’ils peuvent être ensuite diffusés en étant repris sur le site du bureau d’architecte, le Ministre soulève que ce n’était pas l’intention initiale. La condition de communication ne serait dès lors pas remplie.

Il est important que l’intention initiale soit la communication au public.

Quid du secteur Marketing ?

Il n’est pas fait mention de ce secteur dans les travaux préparatoires de Loi-programme.

Dans ce secteur, les oeuvres créées sont visées par le livre 5 du Titre XI du CDE.

Les droits sont généralement cédés en vue de leurs exploitations ou de leurs utilisations effectives.

Les oeuvres sont, en outre, communiquées au public.

Toutes les conditions seraient donc remplies pour pouvoir bénéficier du régime fiscal des droits d’auteurs à condition que les droits cédés portent sur des oeuvres originales.

4. DOUBLE LIMITATIONS QUANT AUX REVENUS ?

Cette Loi-programme modifie également l’article 37 du CIR 92 en instaurant de nouvelles limitations, à savoir :

« Par dérogation, les revenus visés à l’article 17, § 1er, 5°, conservent leur qualité de revenus mobiliers sauf dans l’éventualité et dans la mesure où :

Le rapport entre les rémunérations totales pour les cessions ou octrois de licences des droits d’auteur et des droits voisins et les rémunérations totales, qui comprennent les rémunérations pour les prestations fournies, dépasse 30 p.c. ;

Ils excèdent 37.500 euros ;

Et pour autant que la moyenne des revenus des droits d’auteur et des droits voisins, déterminés avant l’application des limitations prévues aux tirets qui précèdent, qui ont été perçus au cours des quatre périodes imposables précédentes, le cas échéant à l’exclusion de la période au cours de laquelle l’activité a débuté, ne dépasse pas le plafond maximal de 37.500 euros. »

La Loi-programme ajoute également un nouvel aliéna, une exception à limite relative de 30 p.c., laquelle dispose que :

« L’alinéa 2, premier tiret :

S’applique uniquement lorsque la cession ou l’octroi d’une licence des droits d’auteur et des droits voisins s’accompagne de l’exécution d’une prestation ;

Ne s’applique pas lorsque la rémunération pour la cession ou l’octroi d’une licence des droits d’auteur et des droits voisins est perçue ultérieurement, indépendamment de la rémunération initiale qui contient aussi une rémunération pour la prestation effectuée, sans préjudice de l’application du deuxième tiret de l’alinéa 2 et de la condition relative à la comparaison des revenus de la période avec la moyenne des revenus perçus au cours des quatre périodes imposables précédentes conformément à l’alinéa 2. »

Ces nouvelles dispositions instaurent donc une limite relative de 30% des rémunérations comprenant une prestation et une limitation absolue, à savoir 37.500,00 € (à indexer annuellement) appréciée sur 4 périodes imposables.

Lorsqu’un seul revenu est attribué en vue de la rémunération de la prestation effectuée et de la rétribution pour les droits cédés, une répartition proportionnelle devra être opérée.

Cette limitation de 30% pour la rétribution des droits cédés est une limite maximale.

Selon le Ministre, « dans cette limite relative, les secteurs concernés disposent d’une marge de manœuvre stratégique suffisante pour appliquer leurs propres rapports, lesquels doivent bien entendu être conformes au marché ».

Cette limitation ne s’applique pas si la cession ne s’accompagnerait d’aucune prestation ou la rémunération pour la cession ou l’octroi d’une licence des droits d’auteur est perçue ultérieurement, indépendamment de la rémunération initiale qui contient aussi une rémunération pour la prestation effectuée.

5. MESURES TRANSITOIRES ?

L’article 108 de la Loi-programme instaure une disposition transitoire pour l’entrée en vigueur du nouveau régime fiscal des droits d’auteur permettant aux contribuables et aux co-contractants de s’adapter progressivement.

Ladite disposition transitoire dispose que :

Le taux de 30% ne sera applicable qu’à partir de l’EI 2026 de sorte que le taux est de 50% pour l’EI 2024, et sera de 40% pour l’EI 2025 ;

L’ancien article 17, § 1er, 5° du CIR 92 reste applicable pour l’EI 2024 aux contribuables ayant bénéficié dudit régime pour l’EI 2023 alors même qu’ils ne pourraient bénéficier du nouveau régime à partir de ledit exercice.

Avec le plafond réduit à 18.750,00 € (avant indexation) ainsi qu’une réduction de moitié des plafonds servant de base à l’application du forfait pour charge.

Le forfait de 50 % sera donc appliquée sur la 1ère tranche de 5.000 euros seulement (à indexer) et de 25 % sur la tranche suivante de 5.000 euros seulement (à indexer).

Compte tenu des limites importantes fixées par le SDA ces dernières années dans le secteur IT notamment, les revenus attribués étaient souvent inférieurs à 18.750,00 € (avant indexation).

Il ressort que toutes les contribuables ayant bénéficié de ce régime pendant l’année 2022 pourront continuer d’en profiter pour toute l’année 2023 encore.

Le régime transitoire ne sera plus applicable à partir du 1er janvier 2024.

Pendant toute la durée des débats, le Ministre des Finance a précisé sa volonté d’exclure les droits d’auteur relatifs aux programmes informatiques et plus généralement sa volonté d’interprétation restrictive du nouveau régime.

Tout interprétation dérogeant à la vision du Ministre devra faire l’objet d’une contestation devant les Cours et Tribunaux.

Avec les délais pour obtenir une audience, cela conduira forcément un long chemin tortueux ne permettant pas de tenter d’obtenir gain de cause à brève échéance.

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